DE POUS Anny

par Léonie Deshayes, André Balent et Jean Abélanet
Accueil > Produits > DE POUS Anny

DE POUS Anne-Marie, Eulalie, dite Anny de Pous, née le 15 mai 1908 à Palalda (Pyrénées-Orientales), morte le 9 août 1991 à Prades (Pyrénées-Orientales).

Archéologue et historienne.

Anne-Marie, Eulalie de Pous, dite Anny de Pous ou Annie de Pous, est une archéologue et historienne française autodidacte connue pour ses travaux pionniers sur l’architecture vernaculaire, la castellologie et le monde pastoral, principalement consacrés aux territoires formant l’actuel département des Pyrénées-Orientales.

Née à la propriété Can Day à Palalda (Amélie-les-Bains), Anny de Pous (elle détestait son prénom d’Anne-Marie) descend d’une famille noble par son père, Louis, Marie, Michel de Pous (Lugan, Tarn, 30 septembre 1870 – lieu inconnu, 1934), originaire de Lavaur, ainsi que de sa mère, Henriette, Joséphine, Marie de Balanda (Perpignan, Pyrénées-Orientales, 24 août 1871 – 29 décembre 1954) – sœur cadette de Jeanne, Charlotte, Eulalie de Balanda*1 -, dont les ancêtres ont reçu un titre de noblesse en 1711 du roi Louis XIV. Par sa mère, elle descendait de Jean-Baptiste de Balanda (1744-1808), dernier viguier du Roussillon.

Le château de Can Day était doté d’un grand parc, qui fut sans doute à l’origine, chez la jeune Anny, de son amour de la nature et des grands espaces. C’est d’ailleurs le jour de sa naissance que deux rangées de platanes, aujourd’hui disparus, ont été plantés à l’entrée de la propriété (Duquenne, 2023).

L’édifice présente des caractéristiques décoratives du XIXe siècle, notamment au niveau de la façade sud de style néo-renaissance italienne, ornée de moulures en terre cuite. Cet édifice fut offert en 1852 par Antoine-Paul Pannier Lelarge de Lourdoueix*1 à son épouse Coralie de Chefdebien-Zagarriga, afin de célébrer leur mariage. Outre la propriété, le couple possédait     un grand mas catalan du nom de Can Félix, ancien mas de la Trinxeria, situé sur le territoire de l’ancienne commune de Montalba-d’Amélie (Pyrénées-Orientales) fusionnée avec Amélie-les-Bains-Palalda en 1962. Typique de l’architecture traditionnelle catalane, le mas est formé d’un corps de ferme et de dépendances.

N’ayant pas d’héritiers, la sœur de Coralie, Eulalie de Chefdebien (1838-1927), épouse de Joseph-Blaise de Balanda (1825-1927), reçut cet important patrimoine immobilier. À leurs décès, leur fille, Henriette de Balanda, hérite de l’ensemble en faisant de Can Day la demeure principale, tandis que le mas Can Félix devint une résidence estivale (Le magazine thermal [en ligne], 19 décembre 2017). Ces deux propriétés ont été revendues en 1922 (Can Félix) et 1938  (Can Day) par Henriette de Balanda. Par ailleurs, la famille possédait également un chalet à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales), vendu par la suite en 1947 (Duquenne, 2023).

Fille unique, entre un père et une mère qui se chamaillent à tout propos, Anny de Pous fait très tôt l’expérience de la solitude. Adolescente au caractère volontaire et indépendant, elle supporte mal le carcan de la stricte éducation bourgeoise de l’époque. Elle trouve un dérivatif dans la compagnie des animaux : elle apprend très tôt à monter à cheval et se montre une excellente cavalière ; et, jusqu’à sa mort, ses chiens sont ses plus fidèles compagnons.

Ses premières classes sont faites à Paris dans un institut privé ; mais les classes d’humanités ayant été transférées en Angleterre, elle doit se résigner à aller terminer ses études outre-Manche. Ces quatre années de pension, loin du pays natal, lui sont très pénibles, mais elle a reconnu plus tard que ce fut là qu’elle avait pris goût au travail intellectuel.

À sa majorité, elle reçoit sa première voiture, mais n’a pas le droit de s’en servir sans l’autorisation maternelle. Mais un jour, en l’absence de sa mère, elle fait une escapade dans les Corbières, toujours en compagnie de son chien. Elle découvre le château d’Aguilar, puis celui de Peyrepertuse : c’est le coup de foudre. Voulant en savoir plus, elle se met à fréquenter les bibliothèques et les archives, multipliant les visites sur le terrain, consignant par écrit ses propres observations. L’étude de l’architecture militaire médiévale devient la passion de sa vie. Elle se passionne également pour la spéléologie et est, en 1931, la première femme à avoir la carte du Spéléo-club de France.

En 1936, ayant fait connaissance de la directrice du musée de sculpture comparée au Palais du Trocadéro, elle est invitée par celle-ci à venir à Paris pour travailler sur un projet de carte en relief du pays catalan, qui serait réalisée par les services de l’armée, et qui pourrait figurer à l’Exposition universelle de 1937. Anny de Pous avait déjà beaucoup travaillé sur les châteaux et les tours à signaux du Roussillon : la carte en relief fait donc apparaître le système de liaison à vue entre tours et châteaux. Son travail est primé et reçoit une médaille de bronze. Sa première publication scientifique, parue dans le Bulletin monumental en 1939, concerne évidemment son sujet de prédilection : le Perapertusès et ses châteaux, au temps de Saint Louis.

En 1943, elle est nommée membre de la commission archéologique au sein de la Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales (SASL), afin d’étudier les dossiers de classement des monuments roussillonnais. Quatre ans plus tard, elle fait connaître, en 1947, le résultat de ses observations et de ses recherches historiques sur les tours à signaux des vicomtés de Castelnou et du Fenouillèdes au XIe siècle. Dans la foulée, elle suit activement toute une série d’études archéologiques et historiques (plus de cinquante titres) sur des sujets divers, notamment dans les années 1960 pour le classement des bâtiments civils de Villefranche-de-Conflent, dont une première publication historique apparaît dans les actes du Congrès archéologique de France tenue dans le Roussillon en 1954. La revue des Études Roussillonnaises ayant cessé de paraître en 1957, le conservateur départemental des Archives, Jean-Gabriel Gigot, lui procure un emploi de vacataire pour s’occuper du classement et de l’inventaire des documents d’archives, ce qui lui permet d’enrichir sa propre documentation. Elle fait le relevé de tous les lieux-dits des communes du département mentionnés sur les plans et matrices cadastrales. Elle occupe ce poste de 1958 à 1962.

À cette époque, la municipalité de Villefranche-de-Conflent, fait alors appel à elle pour tenir le Syndicat d’initiative, en lien avec la connaissance du patrimoine local. Le Conflent devient alors son principal centre d’intérêt. Grâce à Robert Lapassat, elle est choisie comme vice-présidente du Groupe de recherches historiques et archéologiques du Conflent et dispose de la revue Conflent pour publier nombre d’articles sur ses sujets favoris.

Les données historiques et patrimoniales recueillies sur place ont notamment fait l’objet de plusieurs notices de repérages rédigées par Anny de Pous vers 1967, pour le compte du service de l’Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de France.

Le fonds Anny de Pous (ADP), conservé dans les locaux de la médiathèque intercommunale de Prades, regroupe de nombreux courriers échangés entre Anny de Pous et des membres de sa famille, permettant de retracer les différentes adresses occupées par l’historienne dans les Pyrénées-Orientales, notamment dans les années 1940 à Vernet-les-Bains et Saint-Féliu-d’Amont. Pour cette dernière commune, il s’agit de l’ancien presbytère du village, reconnaissable depuis l’espace public par une grande entrée cintrée à claveaux en pierre de taille, dont la clé porte la date « 1757 » gravée dans un cartouche et le portail les armoiries des Balanda. L’édifice appartenait à la  famille de Balanda, dont Thérèse Jeanne de Bonnefoy épouse Balanda (arrière-grand-mère d’Anny de Pous), décédée à Saint-Féliu-d’Amont le 31 juillet 1874, ainsi que Henriette de Balanda (Duquenne, 2023). Après le décès de sa mère, Anny de Pous s’est occupée de revendre la maison à des habitants du village en 1962.

Entre 1950 et 1971, l’archéologue vit à Villefranche-de-Conflent (Pyrénées-Orientales). La plupart de ses photographies concernant le patrimoine militaire et civil datent des années 1960, au moment où l’historienne est encore dans la cité. Plusieurs d’entre elles portent au verso le tampon « ANNY DE POUS VILLEFRANCHE-DE-CONFLENT (Pyr.-Or.) », comme c’est le cas de celles conservées dans  l’actuelle boîte n°640 anciennement intitulée « Photographies classées par site ou village ». Certaines correspondances sont par ailleurs complétées par la mention « Chalet du Talc ». C’est le cas d’une carte postale envoyée le 11 septembre 1967 à Anny de Pous, par un certain Michel Parlangue. Celui-ci évoque dans sa lettre des recherches personnelles effectuées sur le château de Rans (Jura), dont des interrogations concernant la famille propriétaire détentrice du bien.

Le Chalet du Talc correspond à l’actuelle Auberge Mas du Cèdre développée sur la rive gauche de la Têt, ancienne maison bourgeoise réhabilitée en chambres d’hôtes. Il doit son nom à l’activité chimique qu’exerçait Fernand de Chefdebien-Zagarriga qui consistait à produire une poudre spécifique, la sulfosteatite cuprique dite « Poudre Chefdebien », capable de traiter les maladies du vignoble dues à un champignon microscopique, dont le mildiou et l’oïdium.

Au cours de ces années de recherche au sein de la cité fortifiée, Anny de Pous échange régulièrement avec l’érudit abbé Albert Cazes dont les points de vue sur l’architecture sont connus pour être divergents, l’archéologue préférant se consacrer à l’étude du patrimoine militaire plutôt qu’aux édifices religieux.

Vers 1974, une correspondance établie entre Anny de Pous et son gendre, Michel Duquenne, indique le lieu de Sournia « Le Château ». Les recherches effectuées sur le territoire granitique du massif de Quérigut-Millas pourraient expliquer l’identification de cette adresse. Par ailleurs, l’intérêt pour les châteaux cathares depuis les années 1930 et sa passion pour les Corbières, a conduit l’archéologue à acheter en 1960 une propriété à Camps-sur-l’Agly (Aude), au lieu-dit « Le Moulin», au pied du Pech (Pic) de Bugarach (1230 m). Comme son nom l’indique, il s’agit d’un ancien moulin investi par l’historienne en habitation.  À l’époque, Anny de Pous cherche à développer une activité agricole, qu’elle met en œuvre par l’élevage de briards. Pour ce faire, elle acheta un tracteur Peugeot à Perpignan ainsi qu’une charrue. Par manque de temps et en raison des difficultés d’ordre économique, cette activité fut très vite arrêtée.

Vers la fin de sa vie, Anny de Pous occupe l’habitation n°18 rue Victor-Hugo à Prades, dont la façade principale est décorée d’enduits sculptés.

Sa biographie a été commencée tardivement en 1986 par Marie-Louise Blangy, fondatrice et vice-présidente de l’association Salvaguarda décédée en 2012. À la suite de la disparition d’Anny de Pous, elle participe à l’écriture d’un article dans le numéro 173 de la revue Conflent paru en août 1991, intitulé « In Memoriam Anny de Pous ». Et sur son lit d’hôpital, à Prades, en juillet 1991, Anny de Pous eut une dernière satisfaction : savoir que la fête estivale des tours à signaux illuminait de ses feux les principaux sommets de ces montagnes qu’elle avait tant aimées.

L’intérêt d’Anny de Pous dans les domaines du passé devait immanquablement l’amener à rencontrer un autre passionné d’histoire et d’archéologie, qui vient d’inaugurer une brillante et féconde carrière de chercheur, Pierre Ponsich (1912-1999). D’emblée, elle est à ses côtés, avant 1939, lors de ses excavations sur la nécropole en champ d’urnes de Millas (Premier âge du Fer), dans les Pyrénées-Orientales, ainsi qu’aux fouilles dans la grotte de Montou, à Corbère-les-Cabanes (Pyrénées-Orientales), où vient d’être reconnu un important gisement de la préhistoire récente, du Néolithique moyen et de l’âge de premiers métaux. Elle s’investit particulièrement dans le remontage et la restauration des céramiques découvertes. Cette période est d’ailleurs un moment d’intense activité archéologique et historique en Roussillon : Pierre Ponsich et Marcel Durliat (1917-2006) relancent l’étude et la mise en valeur de nos édifices préromans et romans, cloîtres et abbayes ; Roger Grau*1 consacre son temps à l’architecture de la cathédrale d’Elne (Pyrénées-Orientales) ; Georges Claustres, nouveau venu à Perpignan, vient de reprendre les recherches, abandonnées depuis la guerre de 1914-1918, sur le site préromain et romain de Ruscino.

Le Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire (SASL) ne suffisant plus à recueillir et à publier convenablement tous ces travaux novateurs et multiples, l’idée germe d’une nouvelle revue de haute tenue, à l’intention non seulement des spécialistes, mais d’un public éclairé. À cette initiative de Ponsich et Durliat, adhérent aussitôt tous les chercheurs précités. En 1951 paraît la première livraison des Études Roussillonnaises, fondée par les deux érudits et Anny de Pous. Inutile de le dire, celle-ci se dédie totalement à la mise en forme de la revue et à toutes les démarches nécessaires à sa parution, revue dont elle accepte d’assurer le secrétariat. Sa collaboration bénévole dure jusqu’à la disparition de la revue par suite de difficultés financières, en 1957.

La haute estime qu’avait acquise la revue dans les milieux intellectuels fait que le comité de rédaction est chargé de l’organisation du 112e Congrès archéologique de France, qui se tient à Perpignan du 24 au 29 mai 1954. Anny de Pous en est la cheville ouvrière, ce qui lui vaut de recevoir la médaille d’argent de la Société française d’Archéologie. En 1967, elle obtient la 2e médaille de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, section Antiquités, pour son mémoire sur L’architecture de pierre sèche des Pyrénées méditerranéennes, présenté au Congrès des sociétés savantes de Strasbourg (Bas-Rhin) et publié dans le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et archéologiques. Quant à son ouvrage Le pays et la vicomté de Fenouillèdes (du VIIIe au XIVe siècles), publié à Paris en 1973, il est honoré d’un prix d’histoire par l’Académie française, le 2 mai 1980.

Cofondatrice des Études Roussillonnaises, Anny de Pous consacre son temps – et souvent son argent – à la bonne marche de la revue, dont elle assure toutes les tâches matérielles. Concurremment, elle continue l’exploration et l’étude des moindres vestiges de tours et de châteaux féodaux, puis des architectures pastorales en pierre sèche, et cela, sans regarder à la dépense (photographies, livres, revues, parfois l’hélicoptère, etc.). Elle finit par entamer sérieusement les ressources de son patrimoine. L’intérêt qu’elle a su éveiller sur les tours à signaux médiévales a eu des retombées concrètes : plusieurs de ces édifices à l’abandon ont été restaurés ou réhabilités (Massane, Madeloch, Cabrenç, Torre del Far, etc.) et la mise en évidence du système de communication par feux est devenue une manifestation originale de l’utilisation culturelle et touristique, certaines nuits d’été, de ce patrimoine historique local.

Dotée d’une excellente culture littéraire et historique, usant d’un style vivant et simple, sans effets inutiles, Anny de Pous sait intéresser le lecteur et le promener sur ses lieux de prédilection. Peut-on lui reprocher de s’être laissée entraîner, dans ses conversations, à des théories parfois hasardeuses (les cartes de Piri Reis, la théorie du « séisme aquatique » pour expliquer l’inondation de 1940, les élucubrations sur le mystérieux toponyme « Machouma » du site en pierre sèche de Prats-Balaguer, dans les Pyrénées-Orientales). On peut les mettre au compte de son esprit non conformiste, mais sa prudence l’a gardée d’en faire état dans ses publications.

Sa curiosité ne se limite pas à l’architecture militaire, son sujet de prédilection. Ses parcours montagnards l’ont mise en présence des enclos pastoraux et des abris de bergers en pierre sèche (orri, selon l’appellation traditionnelle catalane et occitane) : elle est une des premières à s’intéresser à ces modestes témoins d’une architecture rurale et à en faire l’inventaire, en croisant les données à partir de relevés cadastraux.

L’article « L’architecture de pierre sèche dans les Pyrénées méditerranéennes » écrit par l’archéologue en 1967 dans le Bulletin Archéologique du CTHS (Comité des travaux historiques et scientifiques), permet de connaître les différentes typologies de construction en pierre sèche identifiées par Anny de Pous dans les premiers temps de ses recherches. Elle distingue les habitats temporaires formés du « raparo » ou « reparo », qui est un abri contre la pluie (Conflent) ou contre le vent (Corbières), de la « capitelle », nom plutôt emprunté au Languedoc – la garrigue nîmoise plus précisément – se référant à la typologie de la cabane, implantée à l’écart des maisons d’habitations et mesurant entre 2 à 3 m de diamètre. Celle-ci peut être « ronde ou rectangulaire et est toujours voûtée en coupole ». L’emploi de nom « capitelle » lui a souvent été reproché, du fait de l’absence de ce terme dans la langue et la cartographie locale. L’archéologue s’est justifiée en expliquant que « ces huttes » servaient initialement à isoler les pestiférés, en période épidémique de peste. Ce fut notamment le cas dans les Garrotxes ou Vall de Feu (vallée du Cabrils et de ses affluents qui rejoignent la Têt à Olette), où les cabanes ont également été appelées « coves » (grottes, « cova » au singulier) dans la commune toute proche de Fontpédrouse [appellation douteuse pour les Garrotxes, mais certaine pour Fontpédrouse]. De ce fait, Anny de Pous a toujours préféré employer le terme de « capitelle », emprunté à un autre espace géographique, qui lui semblait moins péjoratif et moins vague que celui de « cabane ».

Le troisième habitat temporaire est pour elle l’« orry » ou « orri », qui, outre sa fonction d’habitat, pouvait également, et suivant ses dimensions, servir de bergerie (pour les veaux ou agneaux nouveau-nés) et aussi de séchoir à fromages, comme le prouvent les redevances payées en fromages que l’on retrouve dans certains actes du Moyen Âge. Dans son écrit, Anny de Pous explique que « la bergerie, suivant qu’elle est voûtée ou toiturée, reprend son très vieux nom d’orri et l’autre plus répandu de cortal » (De Pous, 1967, p. 24).

Pour elle, à cette date (1967), l’orry ou orri serait un habitat plus grand implanté entre 800 et 1700 m d’altitude, « toujours rectangulaire et voûté en forme de carène renversée », pouvant mesurer de 4 à 20 m de long sur 2 à 4,50 m de large (De Pous 1967, p. 2). L’archéologue n’hésite pas à utiliser des termes issus de l’architecture religieuse pour le décrire, tels que la nef divisée en travées, avec pilastres engagés dans les murs latéraux. Selon elle, fait vérifié à la fin du XXe siècle par des études renouvelées, le mot orri serait apparu assez tardivement au XVIe siècle en Capcir, au lieu-dit Pla de l’Orri de la Coma de Vellu, dont le nom de la commune n’est pas spécifié (De Pous 1964, p. 110), hypothèse bien nuancée depuis, car il apparait aussi au même moment, dans d’autres régions, comme, par exemple, la Cerdagne. De nouvelles données archivistiques relevées plus tard par l’archéologue l’amenèrent à affirmer qu’il s’agit en réalité d’une construction beaucoup plus ancienne, apparu dès le IXe siècle. C’est le cas en 866 avec la vente d’un alleu aux environs de Céret, au lieu-dit Monte Acuto avec ses orreos (De Pous 1968, p.62). Cette mention reste à nuancer car les orris sont des installations caractéristiques des estives alpines et que le terme orreos semble plutôt désigner des silos à grains (du latin horreum). Il se pourrait que ce lieu-dit soit rapproché du point culminant du territoire de Céret, soit 1440 m d’altitude.

Le cortal est le dernier habitat temporaire qui désigne un bâtiment à vocation agricole, une étable, comprenant une « armature formée par des piliers de pierres » (De Pous 1964, p. 111). Cette typologie correspond aux cortals développés en moyenne montagne entre 600 m et 800 m d’altitude. Anny de Pous a également relevé d’autres types de cortals, plutôt développés en haute montagne (dès 1000 m d’altitude). C’est le cas à Py (Pyrénées-Orientales) avec des édifices à double pente couverts par un toit de chaume. Sur le territoire de Fontpédrouse (Pyrénées-Orientales), les cortals peuvent, selon elle, être circulaires, à colonne pleine et non voûtées.

À l’échelle du Conflent, l’archéologue a recensé dans les années 1960 de nombreux cortals, répertoriés méthodiquement sur des fiches conservées dans le fonds de la Médiathèque Intercommunale de Prades. La liste de ces cortals est compilé dans la revue Conflent, notamment dans les numéros 21 (1964) et 41 (1967).

Enfin, Anny de Pous a pendant longtemps travaillé sur le recensement des chemins de transhumances, dont les plus importants sont aussi appelés par elle drailles [mot occitan – dralha – utilisé en particulier dans le sud du Massif Central entre le Languedoc méditerranéen et l’Aubrac], tandis que ceux raccordés aux chemins secondaires issus de villages plus ou moins proches sont appelés carrerades (nom féminin, singulier carrerada). De fait les dralhas et les carrerades ou camins ramaders désignent une même réalité, en occitan ou en catalan dans deux domaines géographiques différents. Le fonds Anny de Pous de la médiathèque intercommunale de Prades conserve des relevés de ces chemins de transhumance réalisés par l’archéologue, donnant de précieuses informations sur le tracé des troupeaux en période d’estive. Elle explique dans son article « Constructions en pierre sèche et transhumance » écrit en 1978, qu’il était nécessaire de suivre à pied « chaque fois que l’occasion s’est présentée, des troupeaux en marche », afin de pouvoir suivre l’ensemble des tracés. L’un des vocables les plus utilisés dans les diverses régions des Pyrénées-Orientales est cependant celui de camí ramader qui apparait fréquemment dans la toponymie. Pourquoi a-telle voulu introduire le vocable occitan dralha francisé en draille et adopté par le français pour désigner les voies de transhumance ? Les dralhas/drailles sont les longs chemins de transhumance qui conduisaient les brebis du Bas-Languedoc vers les estives du Massif central (Grands Causses, Mont Lozère, Aubrac). Ce vocable n’a jamais eu cours chez et tout au plus est-il utilisé par des locuteurs désireux d’utiliser un mot qu’ils estiment être français.

Cela nous amène à remarquer qu‘Anny de Pous s’est davantage intéressée à la typologie des constructions en pierres du département et des proches communes audoises qu’à leur fonction. Elle a voulu ainsi renouveler leurs dénominations. Elle a par exemple mal apprécié la signification du vocable orri qui désigne à la fois les constructions en pierres sèches des estives où l’on trayait les brebis et où l’on fabriquait et affinait les fromages et les espaces voisins. Dans ce cas, elle a popularisé auprès du grand public local l’idée que l‘orri était finalement une simple cabane pastorale en pierres sèches. De la même façon, elle a proposé le terme de capitelle (garrigue nîmoise) pour désigner des baraques en pierres sèches des Corbières catalanes et audoises avec une fonction pastorale (comme à la Tourèze, commune de Latour-de-France) alors que leur usage était principalement agricole. Nous avons signalé comment elle a voulu implanter le terme occitan adopté par le français pour nommer les camins ramaders de chez nous. Le succès populaire de ses propositions a contribué à introduire des confusions dans les définitions de ces constructions que, par ailleurs, – et c’est un de ses mérites – elle a contribué à sortir de l‘oubli et à faire connaître.

 

 

 

Pour obtenir cette notice, il vous faut avoir un compte et commander des crédits. Veuillez vous référencer aux tarifs sur notre page :

Pour citer cet article:

URL: https://publicationsdelolivier.fr/produit/de-pous-anny/ notice DE POUS Anny par Léonie Deshayes, André Balent et Jean Abélanet, version mise en ligne le 20 novembre, 2024, dernière modification le 3 décembre, 2024.

Anny de Pous. Py-Mantet, s.d.

Anny de Pous avec un de ses chiens, s.d.

Anny de Pous et ses deux chiens Alaric et Caligula, s.d.

Anny de Pous, s.d.

ŒUVRE

Patrimoine militaire 

– DE POUS, Anny, « Le Pérapertusès et ses châteaux aux XIe, XIIe, XIIIe siècles », Cahiers d’histoire et d’archéologie, Nîmes (8), 1947, p. 209-212.

– DE POUS, Anny, « Les tours à signaux des vicomtés de Castellnou et de Fenollède, au XIe siècle », Bulletin monumental, 1947, p. 63-73.

– DE POUS, Anny, « Les tours à signaux du Conflent », Études Roussillonnaises (1), 1949, p. 345-383.

– DE POUS, Anny, PONSICH, Pierre, « Le Champ d’Urnes de Millas », Études Roussillonnaises (1), 1951, p. 1-94.

– DE POUS, Anny, « Villefranche-de-Conflent », Actes du Congrès Archéologique de France, CXIIe session tenue en  Roussillon en 1954 par la Société Française d’Archéologie, Nogent-le-Rotrou, 1956, p. 280-298.

– DE POUS, Anny, « Tours et châteaux du Conflent », Conflent (hors-série), deuxième édition, 1981, 116 p.

– DE POUS, Anny, « Les tours à signaux, Atalaya, Guardia, Farahon », Conflent, deuxième édition, (106), 1981, 109 p.

– DE POUS, Anny, « Tours et châteaux de la «Vall de Feu» du Moyen et Bas-Conflent », Conflent (79), 1976, p. 33-41.

– DE POUS, Anny, « Architecture militaire des Pyrénées catalanes », Archeologia (83), 1975, p. 39-45.

– DE POUS, Anny, « Les tours à signaux : atalaya, guardia, farahon », Conflent (106), 1980 (inventaire général de tous les réseaux de signalisation – cartographie établie par M. Duquenne), 110 p.

– DE POUS, Anny, « Les tours et châteaux du Conflent », Conflent (110), 1981 (réédition des études publiées dans les n° 39 à 50, 62 et 70 de Conflent), 120 p.

Architecture pierre sèche

PONSICH, Pierre, « Cabanes et « orris » de pierres sèches des Pyrénées-Orientales », Études Roussillonnaises, revue d’Histoire et d’Archéologie Méditerranéennes, (tome V. 2-3-4), 1956. p. 305-317.

– DE POUS, Anny, « L’architecture de pierres sèches et les grands chemins de transhumance pyrénéens », Conflent (20), 1964, p. 55-58, (21), 1964, p. 103-114, (30), 1965, p. 251-256, (41), 1967, p. 212-225.

-DE POUS, Anny « L’architecture de pierres sèches dans les Pyrénées méditerranéennes », Gaule (8), 1966, p. 129-144, (9), 1966, p.147-152.

– DE POUS, Anny, « Compléments et suite des « cortals » publiés dans le N°21 », Conflent Hautes Vallées (41), 1967, p. 223-225.

– DE POUS, Anny, « L’architecture de pierre sèche dans les Pyrénées méditerranéennes ». Bulletin Archéologique du CTHS (Comité des Travaux Historiques et Scientifiques). Nouvelle série (3), 1967. Paris, Bibliothèque Nationale, 1968, p. 21-117.

– DE POUS, Anny, « Quatre nouveaux sites de parcs en pierres sèches », CERCA (6), 1969, p. 383-386.

– DE POUS, Anny, « L’architecture de pierres sèches des Pyrénées méditerranéennes », Archeologia (85), 1975, p. 20-28.

SOURCES

– Fonds Anny de Pous, médiathèque intercommunale de Prades, boîtes n°508, n°447, n°625, n°638.

– Fonds Anny de Pous, médiathèque Intercommunale de Prades, boîte n°508. Constructions en pierre sèche et transhumance. 1978, 10 pages.

– « Répertoire des archives forestières du fonds des archives judiciaires de l’arrondissement de Prades », CERCA (10), 1960, p. 314-323.

– BASSEDA, Lluís, « Toponyme historique de Catalunya Nord ». Terra Nostra. Centre de Recerques i d’Estudis Catalans (CREC) Universitat de Perpinyà, numéros 73 à 80. Prades. 1990, p.75.

– BALENT André, « Annie de Pous, les ” orris”  et autres constructions de pierre sèche. La découverte de ses erreurs lexicales. Une tranche d”égo-histoire” », Actes des Journées d’études 2022 de la SASL en hommage à Anny de Pous, Architecture castrale et vernaculaire, pastoralisme et vie rurale, 22 octobre, 5 novembre 2022 et 12 novembre 2022,.SASL, CXXIII, 2023, p. 19-37.

– BLANGY, Marie-Louise, « In Memoriam Anny de Pous », Conflent, (173), août 1991, p. 3-22.

– DESHAYES, Léonie, « La constitution du fonds d’archives Anny de Pous et les apports des recherches de l’archéologue dans l’inventaire du patrimoine », Actes des Journées d’études 2022 de la SASL en hommage à Anny de Pous, Architecture castrale et vernaculaire, pastoralisme et vie rurale, 22 octobre, 5 novembre 2022 et 12 novembre 2022,.SASL,CXXIII, 2023, p. 131-163.

– FLETCHER Patrick, « Découverte du château Can-Day à Amélie » [en ligne], Le magazine thermal 2017, publié le 19 décembre 2017.

– LAPASSAT, Robert, « Portrait d’Anny de Pous, Travaux et publications », Conflent (173), août 1991, p. 23-27.

PONSICH, Pierre, « Anny de Pous (1908-1991) », Études roussillonnaises (11), 1992, p. 239-240.

– Témoignage de Régine Duquenne, fille d’Anny de Pous, Michel Duquenne, gendre d’Anny de Pous, recueilli par Léonie Deshayes entre 2022 et 2023.

– Témoignage de l’historien et archéologue Georges Castellvi, lors d’un échange téléphonique entretenu le 7 juillet 2022 avec Yves Chevalier, ingénieur de recherche du DRASSM ER. Celui-ci a connu Anny de Pous du temps de son vivant.

– Filae, site généalogique, consulté le 15 mars 2023 et le 10 juillet 2024.

ICONOGRAPHIE

– Photo 1. Médiathèque intercommunale de Prades. Fonds Anny de Pous. Boîte n°638. Photographies M.-T. (s. d.).  Reproduction interdite.

– Photo 2. Médiathèque intercommunale de Prades. Fonds Anny de Pous. Boîte n°625. Photographies d’Ardèche et Lozère par Hildegarde Stein, (s. d.).  Reproduction interdite.

– Photo 3.  BLANGY, Marie-Louise, « In memoriam : Anny de Pous », Conflent (173), août 1991, p. 3. Reproduction interdite.

– Photo 4. Médiathèque intercommunale de Prades. Fonds Anny de Pous. Boîte n°508. Association des amis d’Anny de Pous, (s. d.). Reproduction interdite.

 

Comment se procurer les notices biographiques

Votre panier